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  • Thibault Randoin

Le plateau d'Emparis nom de dieu !



Avis au lecteur

L’auteur, moi, ne répond d’aucune de ces lignes qui sont passées de mes souvenirs au stylo sans aucun filtre entre les deux.

Concernant le style, si tu es un lecteur de San-Antonio, ou bien que tu es comme moi en train de lire un livre de Mark Twain, tu remarqueras que j’y ai puisé ma piètre inspiration, toute proportion gardée évidemment. En revanche, si tu veux profiter pleinement de ce morceau d’histoire, je t’invite quand même à l’imaginer avec un accent de cowboy du Nevada, t’as même le droit de te servir un whisky de contrebande, je le dirai à personne.




V’la trois gars qui s’aiment. Pas qu’ils seraient prêt à se bécoter, quoiqu’on y reviendra plus tard. Non, ces mecs ils s’aiment en temps qu’amis, mais comme pour semer le doute, ils ont choisis un parking nommé “Les Gays”. Enfin celui qui a choisi, c’est “la grande en jaune”. “La grande en jaune” c’est moi, sous prétexte que j’étais affublé d’un chasuble poussin et que j’ai parfois le sommet du crâne qui attrape plus vite les nuages que les autres.

Toujours est-il que nous étions partis tous trois pour un cheminement jusqu’au soir où nous monterons un bivouac, quoiqu’un peu sommaire, tout à fait agréable, qui plus est au bord d’un lac.

Nous v’la donc partis, puisque je vois bien que vous commenciez à en douter, dré dans l'pentu par dessus le marché, et ce pour deux raisons.

La première, c’était pour mater le plus petit des trois, valeureux mais moins rompu à l’exercice physique que nous autres. Non pas qu’il soit particulièrement atteint de nanisme, avec 1 mètre 70 au garrot il fait un taille respectable, surtout s’il était né en 1890. Bon mais quand on lui reproche de ne pas être assez endurant, il n’a de cesse de nous répéter: “Nous les nains nous sommes des sprinters”. Le tout avec un accent qui roule les R suggèrent qu'il soit issu d’une communauté irlandaise. Manquerait plus qu’il soit roux, mais fort heureusement ce n’est pas le cas, c’est moi qui dors avec lui.

Si vous reprenez le début de ce paragraphe interminable, vous vous rappellerez qu’il y avait deux raisons à ce qu’on l’attaque dans le pentu. Cette deuxième raison c’est que nous étions au pied de la montagne et que donc nous n’avions pas d’autres choix.

Pour vous figurer à quel point la pente était forte à certains moments, il suffisait que je monte de deux pas pour que le compagnon du dessous puisse me cirer les souliers sans avoir à s'arc-bouter le dos. Ce qui tombait plutôt bien d’ailleurs car, non pas que nous transportions nos 30 ans de vie à l'intérieur, mais quand même ils pesaient leurs poids !

A l'issue d’une brave bataille avec l'apesanteur, nous nous trouvions au sommet. Ou du moins sur la ligne de crête, ce qui nous procuré autant de réconfort que de joie vu que cela coïncide avec le moment où nous allions enfin régler son compte à nos premiers sandwichs. Ce faisant, il y eut le double avantage de remplir nos bedons et de vider nos besaces, deux choses fort agréables, avec une préférence pour la première.

Je vous passe ensuite la sempiternelle marche à pied qui consiste à mettre un pied devant l’autre pendant des heures, heureusement bien ponctuée par quelques blagues graveleuses. La somptuosité du paysage a aussi contribué à occuper nos esprits vagabonds. Ne vous y méprenez pas, vous avez vécu cette journée en quelques lignes mais pour nous elle a duré 8 heures au grand air, nous ne sommes donc pas vexés de trouver notre lieu de bivouac, au bord du lac comme je le disais plus tôt. Si vous ne vous en souvenez pas c’est soit que vous avez une vitesse de lecture comparable à celle de l’avancé d’un âne dans le désert de telle sorte que vous avez commencé ce maudit récit hier au soir avant une nuit bien arrosée, soit que vous avez une mémoire de poisson rouge. Dans les deux cas n’en tirez pas trop de fierté quand même.

Le temps était donc venu de monter nos logis éphémères et ensuite de profiter un peu du repos bien mérité, enfin selon moi.

J’ai omis de vous le préciser, à moins que ce ne fut pas le moment de le faire avant, mais nous étions sur le Plateau d’Emparis. Un bien bel endroit, parsemé de lacs, mais à l'appellation légèrement trompeuse. Non pas qu’il ne soit pas d’Emparis, ce dont je ne doute pas, mais qui est en revanche assez peu ressemblant à un plateau. Du moins je ne connais point de serveuse de taverne qui serait capable d’y faire tenir une pinte de blonde, ni même un bock. En parlant de blonde, je crois que c’est le troisième larron du groupe, dont je n’ai pas encore parlé de peur de choquer le lecteur si je retranscrivais mot pour mot sa parole, qui a commencé à nous parler de fille. Le bonhomme a le physique avantageux, fort comme un cheval de trait, le cou épais comme un bœuf mais il a la gouaille d’un chartier. Il nous avait assuré avec autant de certitude qu’il le pouvait que trois suédoises nous attendaient au bivouac. On s’est pt’être trompés d’un jour, à moins que ce soit elles qui aient confondues. En tout cas elles n’y étaient pas, pauvres de nous.

Pour nous consoler nous sommes allés voir le coucher de soleil au bord du plateau en refaisant le monde mais le froid nous ai tombé dessus comme une nuée d’indiens sur un diligence chargé d’or qui circulerait au fond d’un canyon assez profond pour qu’il n’y en ai aucune issue. Nous sommes donc partis nous pieuter dans nos tentes, un des deux lascars seul, l’autre avec moi. Nous étions le plus grand avec le plus petit dans le même logement de fortune, comme si nous avions voulu faire une bonne moyenne d’occupation de l’espace disponible, ce qui tout compte fait était plutôt à mon avantage.

Je tourne autour du pot comme si je ne voulais pas y arriver, mais ce petit récit ne serait pas complet, et ne respecterait pas complètement la vérité si je ne mentionnais pas le fait suivant, qui pourtant n’est pas à mon avantage. Alors pour tout dire, même dans nos duvets ce soir là, ça n'était pas les grosses chaleurs, et on savait bien qu’au moment où le soleil nous aurait quitté depuis plusieurs heures, ça serait pire. La discussion avec mon copain de chambré en est venu la dessus. C’est donc tout naturellement, et je précise avec aucune arrière-pensée, qu’en tout bien tout honneur j’ai prononcé cette phrase qui me suit encore aujourd’hui.

Si à un moment dans la nuit t’as trop froid, tu pourras toujours te rapprocher de moi, deux corps qui se collent ca donne chaud”

Quesque j’avais pas dis ! L’autre dans sa tente d'à côté, il entendait tout depuis un quart d’heure sans dire un mot, et le voilà qui explose de rire. Il en rajoute même une couche en assurant que je lui avait proposé la même chose dans un passé pas si lointain. Voila une réputation bien ficelée !

Sur ces entrefaits scabreux, nous nous endormons facilement et roupillons jusqu’au lendemain matin.

Cette deuxième journée fut plus brève et plus facile, il nous a suffit de faire le tour du dit plateau et de ses lacs, le tout en mirant une dernière fois la vue sur la jolie Meije et son glacier, puis d'attaquer la descente. Redescendre mille mètres de dénivelé n’est pas le plus agréable pour les guibolles mais ça a l’avantage d'avancer vite. Une fois arrivé au fameux parking qui nous correspond toujours qu'à moitié, il ne nous reste plus qu'à rentrer au bercail en se remémorant les bons souvenirs et cherchant un nouvel endroit où traîner nos guêtres sapristi !




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