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Thibault Randoin

La Vel'Aubrac, voyage sur un plateau...

J’ai roulé sur l’Aubrac. Je me suis confiné dans l’immensité. J’ai un certain goût pour ces hauts plateaux dépeuplés et battus par les vents. Les animaux sauvages que certains appellent le gibier y sont beaucoup plus nombreux que les hommes. J’ai eu l’occasion d’en croiser quelques-uns pendant ces deux jours. J’ai traversé l’Aubrac, ou plutôt je l’ai embrassé d’une boucle qui m’a paru offrir une vision globale du paysage comme lorsque l’on prend un petit train en ville pour en faire le tour. J'espère avoir eu l’air moins ridicule que les touristes dans leur wagon. Nous ne sommes ridicules que dans les yeux des autres et je n’ai croisé personne, à part une dame à qui j’ai demandé de l’eau dans un bar. Elle m’a demandé dans quel hôtel j'étais descendu. J’aurais pu lui répondre, “Sous les Frondaisons” mais je doute qu’elle connaisse ce lieu ou les occupants des chambres voisines sont les merles et les renards. Je lui ai dit que je venais ce matin de Saint Chely d’Apcher, que je dormirais dehors ce soir et que je retournerais à mon point de départ demain. La tenancière parut surprise et m’encouragea en me parlant de la pluie qui s’annonce, merci pour le ravitaillement, je reprends mon chemin.


Nous sommes dimanche 25 avril et la France est sous cloche, du moins c’est ce que souhaite les politiques pour enrayer une épidémie qui semble avoir pour bienfait de redonner à la nature un peu d’espoir de survie. Je vais braver la loi et partir sillonner les chemins creux avec mon vélo pendant deux jours.

Je pédale au soleil, le nez au vent, je suis heureux. Je viens de partir et pourtant j’ai hésité. Je me demande pourquoi j’ai hésité. J’avais peur. J’avais peur de la pluie qui est annoncée depuis quelques jours et qui semble de plus en plus en avance à chaque bulletin météo. J’avais peur de dormir dehors l’ayant pourtant fait tant de fois. Les habitudes du quotidien sont de vilaines geôlières à qui il faut parfois désobéir.

Mais quel plaisir ! Quelle joie de traverser ces immensités plissées par des années d'érosion. Le printemps semble en retard à cette altitude. Il reste quelques névés à l’ombre des grands sapins ou dans les faces nord des combes herbacées. Les pâturages sont constellés de jonquilles et de blocs erratiques. Éphémérité face à l'éternel. Les oiseaux chantent et les kilomètres défilent. Le ciel bourgeonne et les moutons qui ne sont pas dans les champs parsèment le plafond. La perturbation arrive et je traverse le village d’Aubrac. Je traverse des champs et des forêts, les chemins sont parfois cabossés et parfois lisses comme une route, probablement dû au remembrement qui facilite le passage des tracteurs de plus en plus gros afin d’élever des vaches qui restent de la même taille.


Je suis lessivé ! Il est 19h et j’ai parcouru un peu plus de quatre vingt dix kilomètres, je cherche une forêt où jeter mon bivouac, pour l’instant je ne trouve que des sapins par rang de deux qui séparent les champs, en plein vent et dont le pied est embroussaillé. Le haut de la côte laisse apparaître quelques feuillus, je vais trouver refuge dans une hêtraie qui semble attaquée par un bastion de résineux, j'espère qu’elle résistera. L'hypoglycémie a cela d’ennuyeux qu’elle amène avec elle le froid et la lenteur d'exécution, l’oxymore de l’aventurier en herbe. Après avoir monté mon bivouac qui consiste en réalité à tendre un hamac entre deux arbres et dérouler un sac de couchage, je rentre dans l’un pour m'allonger dans l’autre. Je mange avec peine mon premier sandwich que j’ai pourtant longtemps convoité. Je ferme les yeux avant d’attaquer le deuxième, un rêve s'empare de moi, je reviens à la réalité quinze minutes plus tard, il est temps de dormir. Je me réveille, les branches craquent derrière moi, je ne bouge pas car je sais que sinon l’animal va fuir. Je referme les yeux et profite de la bande son d’une forêt dans la nuit. Les oiseaux chantent puis s'arrêtent, le silence s’installe tout juste dérangé par quelques noctambules qui fourragent la litière.

La nuit froide m’aura obligé à descendre de mon hamac, passoire thermique comme aurait pu l’appeler quelques technocrates parisiens. Je retrouve un peu de chaleur dans les feuilles mortes jusqu’au petit matin.


Aujourd’hui, c’est déjà la fin alors qu’hier était le commencement, un peu court mais enrichissant. J'espère pouvoir déjeuner à Nasbinals mais la ville est déserte, on se croirait en plein confinement. Je trouve quand même une épicerie où j'achète quelques Savanes avec l’espoir d’y trouver un peu de chaleur d'Afrique, que nenni. Juste une étiquette “Nutriscore D”, je me demande bien quel effet aura Papy Brossard sur mon corps. J’entre ensuite dans un hôtel dont l’inscription fermée est trahie par les lumières derrière les rideaux. J’y trouve un mec “patibulaire mais presque” ( comme dirait l’autre ) qui ne décrochera comme parole que “ 1€20”. Je lui mets 2€20 sur le comptoir tandis qu’il me tourne le dos et ne semble pas vouloir se retourner, je pars avec ma tasse à coté de mon vélo. Je reviens laisser ma tasse vide, j’aurais payé mon café 2€20.


J’ai repris ma route sous l'océan, les nuages ressemblent à des vagues vus par dessous. J’imagine aisément l’ampleur de la houle qui déferlent pour faire tomber un ciel qui restera éternellement bleu.

J’oscille timidement au gré des ondulations du terrain en direction de mon point de départ de la veille, conquérant de l’inutile. Je rigole en passant devant l’exploitation bovine de la famille TRIGOSSE en me demandant s’ils sont effectivement à l’origine de trois marmots.

La pluie arrive, la fin aussi, retour dans le monde des hommes.






Les lunettes du Trip


Ce voyage a de nouveau été l’occasion d’approuver ma Julbo Ultimate correctrice. Un vrai bonheur, le verre photochromique Reactiv Performance idéal par tous les temps offre un super confort de vision. Niveau tenue, la monture est idéale, pour moi ma lunette préférée en VTT tout simplement !




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