L’intensité émotionnelle n’est donc pas proportionnelle à la verticalité du paysage. Nous cherchons souvent à prendre de la hauteur, de l’altitude, souvent au prix d’une déclivité importante, parfois même nécessitant autant de force dans les bras que dans les jambes avec une corde accrochée au baudrier. Cette fois l’horizon fait partie du paysage, nous avons traversé notre bout d’Auvergne. Les montagnes se regardent séparées par le Cezallier. Puy de Sancy, Puy Mary, chien de faïence montagnard. Le degré aventureux de ce voyage semble croître à mesure que le mercure descend. Ce qui rend l'itinérance à ski possible rend aussi le quotidien plus rude. Nous sommes partis trois jours, nous sommes probablement revenus un peu différents, plus riches de souvenirs, d'expérience et pas moins pauvres d’argent car l’aventure n’aurait pas été complète sans un bivouac, un manque de nourriture, parfois d’eau. La carte bleue n’a pas plus chauffé que le réchaud.
Jour 1,
Nous sommes au pied du Sancy, du mauvais côté. Il va falloir monter pour basculer, nous ne voyons pas encore notre destination finale. Cela ne tarde pas, rapidement nous sommes là-haut, nous enlevons les peaux de phoque, le soleil est là, il suffirait de hisser la grand voile pour voguer sur la mer de nuages qui engloutit le Cézallier dans ses profondeurs obscures. L’île au fond, notre destination, le Massif du Cantal, nous invite à la rejoindre. Au soleil, fiers de briller comme une sirène qui attire le matelot, nous arrivons. La descente du Sancy n’est que plaisir, la moquette est vierge et soyeuse, mais déjà le sol s'aplanit, nous sommes au fond, il faut marcher. La lumière est encore avec nous, le paysage scandinave est notre décor, nous sommes dans un pays lointain, la promesse de l’aventure est partout. Au détour d’une forêt nous croisons un traîneau et ses chiens, seul le musher à l’accent de Toulouse nous sort de notre voyage imaginaire, nous ne verrons pas d’ours. Nous nous rendons rapidement compte que nous ne verrons pas non plus nos repas lyophilisés. Candides, nous n’avons pas essayé le réchaud avant de partir, la bouteille neuve est défectueuse, nous venons de finir la dernière goutte du thé chaud, nous n’avons donc plus d’eau, plus de quoi faire fondre la neige, plus de quoi manger ce soir, ni demain soir, il va falloir rationner.
Nous avons franchi les portes du Cézallier, probablement sans frapper. La colère s’abat sur nous, le vent forci, le ciel nous tombe sur la tête, la nuit rend les ombres menaçantes, nous sommes à la Godivelle. Il nous reste deux heures dans le blizzard et le froid. Nous suivons les traces salvatrices des copains qui sont passés par là deux jours avant, à l’envers. Notre objectif est de gagner le Buron dans lequel eux aussi ont trouvé refuge pour la nuit. Il est 20h00 et nous sommes deux coques de givre heureuses dans les -30° (ressentis) car nous franchissons la porte de notre abri pour la nuit. Il y fait chaud, au moins 0 degré, et il n’y a pas de vent. Nous dormons déjà, avec le rêve de l’astre brûlant qui réchauffera nos os demain matin, la météo l’a annoncé…
Jour 2,
Je dois avoir un problème de vue, quand je regarde dehors tout est blanc du sol au plafond. L’excuse est donc excellente pour rester encore un peu à l'abri, le temps d’allumer le poêle qui n’est même pas raccordé à la cheminée. Cela fume, on tousse et on pue mais la neige fond, l’eau se mérite. Cela nous procure une petite réserve de 750ml pour la journée et deux grands cafés pour le petit déjeuner, le luxe est presque trop grand. Il est temps de sortir. Quitter la torpeur du mètre qui entoure le poêle est difficile.
Nous sommes dans le blanc et le vent, le givre reprend le dessus sur nous, il faut avancer. Souvent une goulée de Génépi nous réchauffe l'intérieur. Nous serions en Russie cela serait de la Vodka mais qu’importe le carburant, la recette est connue en Sibérie et nous avons l’impression d’y être. Nous pouvons être ou nous voulons, le paysage est à imaginer, nous pourrions passer au pied d’une statue de Lénine que nous ne la verrions pas.
Jusqu’au miracle. Le vent souffle et son haleine glaciale nous offre l’espoir d’une caresse solaire. Est-ce donc cela le paradis ? Voir danser la neige et le soleil dans un ballet qui pourrait être joué au Bolchoï. Le froid est toujours là mais la neige est devenue sable. Nous traversons des cordons de dunes couleur ivoire. Les sculptures de glaces sont aussi éphémères que notre chance d'être ici est immense à cet instant.
Il est 14h00 et le ciel est désormais bleu acier, nous continuons d’onduler au rythme des doux vallonnements du terrain, ponctué par le gymkhana des clôtures à enjamber. C’est dans le doré des lumières crépusculaires que nous traversons le seul et unique village de notre voyage. Nous croisons deux ombres dans l'obscurité du soir, de quoi nous rappeler que nous ne sommes pas seuls au monde, cela fait deux jours que nous aurions pu en douter. Nous remontons de l’autre côté de la vallée pour gagner notre toit pour la prochaine nuit, cocon de paille fermé par une porte, il n’en faut pas plus pour satisfaire notre confort.
Jour 3,
Des vestiges de la nuit, il reste quelques chaufferettes bien froides, de la glace sur les parois de la tente que nous avons montée dans le buron, des chaussures de ski comme taillées dans du bois et l'irrépressible envie de rester au fond de son sac de couchage. Il fait -5° entre nos murs, probablement -15° dehors, mais ce matin nous pourrions pleurer devant tant de beauté si nos larmes ne risquaient pas de geler. Le ciel est rose, bleu, l’immensité est devant nous, d’un blanc immaculé. Des millions de diamants semblent déposés au sol comme pour nous rappeler la richesse de l’instant. Le lieu, l’heure, la lumière sont chargés de poésie. Nous avançons comme deux minuscules vibrations qui parcourent les contreforts du massif Cantalien. L’instant est suspendu, cela pourrait être le générique de fin d’un film de Clint Eastwood dans un désert de glace sur une musique de Rachmaninov. Travelling arrière, vue aérienne, baissé de rideau, le public est ému, tout le monde rentre chez soi bouleversé. C’est ce qui va nous arriver, mais avant cela nous allons observer des renards qui courent comme des pions noirs sur un échiquier tout blanc. Ensuite nous allons quitter cette immensité pour, enfin avoir notre objectif en vue. Le puy Mary est là, il ne reste qu'à le gravir pour vérifier si le vent à son sommet est aussi fort que le laisse présager la lame de neige qui s’en décolle. 16h00, nous observons le Sancy depuis la croix sommitale du Mary, nous avons réussi.
Le temps est un alambic qui distille la mémoire pour n’en garder qu’une liqueur savoureuse. Nous oublions déjà le froid et la rudesse, nous oublions déjà la faim et la soif. Il reste en nous une formidable aventure, chez nous, à notre humble porté, tantôt à rire aux éclats, tantôt à savourer le silence qui occupe ces heures d’introspection. Merci Bibou et bravo pour cette belle première en Split, tu es un pionnier !
Les lunettes du Trip,
l’affaire est simple, je suis myope, je ne peux pas me passer de lunettes, on part trois jours et je ne veux pas m'encombrer de deux paires de lunettes. J’embarque donc avec moi ma toute nouvelle Julbo Ultimate faite à ma vue par le service correcteur de la marque Jurassienne.Cette lunette est équipée de verres photochromiques de catégorie 1 à 3 avec la particularité d’avoir une teinte qui augmente la luminosité. Son petit nom c’est le Reactiv Performance Light Amplifer. Le verdict est sans appel, je n’ai évidemment pas quitté mes lunettes des trois jours et je n’en ai pas eu envie, j’ai toujours été super bien avec ce verre, même la nuit dans le blizzard ! C’est vraiment bluffant comme teinte ! Coté monture, super ventilation, super champ de vision, un maintien incroyable, je valide ! Alors bien sûr ce modèle n’est pas au départ destiné à l'itinérance en ski de rando mais plutôt à la performance pure comme en trail, en VTT, en vélo de route ou en ski de fond. Néanmoins elle m'a parfaitement satisfait car comme le dit l’adage, “qui peut le plus peut le moins” ! À retrouver en magasin évidemment !
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