L'animal est placide, son poil paraît soyeux et ses cornes sont envoutantes. Le calme du bouquetin est à l'image de celui de la montagne au petit matin, à l'heure où le soleil triomphe sur les ténèbres dans un technicolor pastel à l'horizon. Nous approchons du névé qui marque le départ de la verticalité de notre pérégrination. Cela fait 2h que nous marchons chargés de notre matériel pour atteindre ce moment où tout va se mettre en ordre, où nos cordes vont quitter nos sacs pour se répandre sur le calcaire, pour que le métal des mousquetons produise son bruit rassurant au contact du rocher, pour nous rappeler qu'un lien nous maintient en vie dans cette univers vertical. Les premières longueurs sont destinées aux catholiques, la prière pour seule protection car ici point de tintement métallique sur le minerais, seulement le bruit de la légère bise pour nous accompagner, les protections sont espacées, la chute déconseillée. Heureusement l'escalade est facile.
Le milieu de la voie approche, les sommets des Aravis se déploient devant nous en même temps que le soleil. Nous sommes encore à l'ombre de la face Nord de la Pointe Percée, son sommet et sa croix sont nos objectifs de la journée. Il fait frais, presque froid parfois, mais nous arrivons au relais des longueurs les plus difficiles, le rocher se relève, pointe vers le ciel, nous grimpons à notre rythme, à notre niveau jusqu’à sortir de la voie qui nous a animés depuis que nous avons vu son nom dans le topo, que nous l'avons observée depuis la vallée, qui nous a laissé une part d'incertitude suffisante pour que nous allions lui rendre visite, et nous voilà en haut de cette voie qui se termine sur un éperon un peu avant le sommet, voie ouverte par des pionniers à coup sûr, en 1960, "Ca rigole dans les cannelures".
Nous poursuivons jusqu'au sommet, le vide est de plus en plus présent à mesure que nous remplissons celui de nos âmes en prenant de l'altitude. L'ambiance est belle, montagne complice, respectueuse et confidente. Le lien de la corde n'est plus nécessaire depuis que nous sommes assis à côté de la croix sommitale. Il est remplacé par celui d'un projet mené ensemble, merci.
Les lunettes de l'ascension
La semaine dernière un client grimpeur me dit : "C'est pas gênant d'avoir une lunette de soleil en grande voie ?" La réponse est non si elle est bien choisie. Quelques éléments à retenir pour des courses qui pourraient ressembler à celles-ci. Départ au lever du jour, face nord donc à l'ombre, arrivée au sommet à 2700 donc altitude modérée, puis redescente en rando, en plein soleil. Mon conseil dans cette situation, c'est d'avoir un verre photochromique, de catégorie 1 à 3 ou 0 à 3 qui permet de rester claire quand la luminosité est faible à modérée à l'ombre de la paroi, pour autant une fois au sommet vous profiterez d'une teinte de catégorie 3 suffisante et confortable. Coté monture, une forme suffisamment couvrante et pour autant assez respirante sera parfaite pour une bonne protection contre le soleil et le vent, et en même temps pour ne pas souffrir de la buée pendant l'approche lorsqu'on a chaud. Le petit plus qui paraît presque indispensable, c'est le cordon au bout des branches, car dans un univers vertical, il est déconseillé de faire tomber sa lunette, et quand vous serez en second, la corde à vite fait de passer derrière votre oreille et de déloger la lunette.
De mon côté, j'ai encore porté ma Julbo Shield, parfaite dans cette exercice et, qui plus est, est à ma vue, donc impossible à enlever au risque de ne plus rien voir, alors vous voyez, vous pouvez mettre une lunette en grande voie !
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